La victoire historique du président élu Barack Obama a suscité une vague d’espoir généralisée chez ceux qui espèrent assister à un renouvellement politique et à la transformation du gouvernement et de la démocratie. Alors que les États-Unis – et le monde entier – attendent de voir ce que leur réserve l’avenir, il est évident que la technologie jouera un rôle essentiel dans le mandat du nouveau président. Toutefois, il s’agit d’une situation à la fois prometteuse et risquée.
Une bonne partie du potentiel de transformation positive des États-Unis peut se résumer en deux mots – transparence et engagement. En ce qui concerne la transparence, le président Obama s’est engagé à instaurer un gouvernement plus direct et plus ouvert en utilisant Internet pour fournir un accès en temps réel à l’élaboration des politiques et, surtout, aux projets de loi comportant des affectations de crédits (permettant ainsi aux citoyens de surveiller le processus). Outre le renforcement de la responsabilisation des législateurs envers le public, le fait de réduire l’influence discrète mais souvent considérable qu’exercent les lobbyistes de métier constitue un objectif clé, conformément à la campagne menée par Obama ces deux dernières années.
Pour ce qui est de l’engagement, Don Tapscott souligne qu’il incombe au président élu Obama de répondre à l’enthousiasme et aux attentes du public à l’égard de sa promesse d’instaurer un nouveau type de politique. Certains observateurs font remarquer que bon nombre des thèmes de changement que prônait Obama durant sa campagne semblent relever davantage du style que de la structure. Pourtant, Tapscott précise que les gens, en particulier les jeunes – dont la plupart participaient au processus politique pour la toute première fois –, ne se contenteront pas de simples changements de style.
Le Pew Internet and American Life Project indique, par exemple, que les deux tiers des internautes de moins de 30 ans ont maintenant un profil sur un site de réseautage social, et qu’au moins la moitié de ces personnes utilisent leur profil à des fins politiques. Heureusement, tout semble indiquer que l’équipe de transition d’Obama a bien compris ce point, mais il reste à voir – grande question – si le mouvement populaire d’Obama sera intégré à la présidence et aux leviers législatifs de Washington, et comment il le sera.
L’un des signes encourageants est provenu du conseiller en technologie d’Obama, Reed Hundt, ancien président de la Commission fédérale des communications. Hunt a mentionné que Barack Obama pourrait bien devenir le premier « président wiki » – un président déterminé non seulement à écouter les membres du Cabinet et ses conseillers proches, mais aussi à faire participer le public aux grands débats sur les principaux enjeux et les choix difficiles. Notez ici la corrélation importante entre la transparence, l’engagement et la technologie Web 2.0 : il s’agit d’une occasion d’élargir la discussion et l’apprentissage au-delà des chambres de la démocratie représentative, où règnent trop souvent l’opacité et le copinage, et ce, en organisant divers événements virtuels, du moins en partie, et de portée plus vaste.
Si l’on veut qu’un tel changement dépasse le stade de l’expérience marginale et du gadget, de nombreuses questions importantes doivent trouver réponse. Comme le mentionne D.C. Misra, une sommité de la gouvernance électronique en Inde, « pour que la participation du public au processus décisionnel du gouvernement soit significative, il faut que les points de vue des citoyens puissent influer sur la prise de décisions. Quelles seraient les modalités d’une telle participation? Le citoyen deviendrait-il alors un législateur de deuxième niveau? Et quelles incidences cela aurait-il sur le plan juridique? ».
En optant pour une voie nouvelle, davantage axée sur le numérique, l’équipe de soutien d’Obama, qui comprend le directeur général de Google Eric Schmidt, démontre l’étendue de son talent et sa vision. La campagne elle-même nous a permis d’assister à un déploiement impressionnant de technologies très sophistiquées qui ont permis d’établir un lien entre le leadership visionnaire, à la tête, et la participation et l’engagement à la base.
Plus de 280 000 personnes auraient créé des comptes sur le portail du candidat Obama. Le site a permis de recueillir plus de 15 000 idées politiques, et les internautes ont créé plus de 6 500 groupes bénévoles et organisé plus de 13 000 activités en temps réel.
Cependant, concevoir un programme de campagne électorale et gérer des crises multiples, tant dans le pays qu’à l’étranger, impliquent peut-être des approches fondamentalement différentes pour gérer la relation complexe qui existe entre la technologie, le pouvoir et le changement culturel. Durant sa campagne, l’équipe d’Obama respirait la confiance et faisait un peu penser à une entreprise dynamique qui, nouvellement inscrite en bourse, s’apprête à conquérir le monde; or, l’appareil organisationnel dont Obama a hérité à la Maison blanche en étant élu lui a été imposé, il ne l’a pas choisi.
La tension entre la présidence et le candidat s’est rapidement fait sentir pendant la transition quand Obama s’est exprimé au sujet de la perte totale d’anonymat durant une entrevue – tout juste avant qu’on lui demande de rendre son Blackberry! Par ailleurs, son chef de cabinet est reconnu pour sa poigne de fer et son style de gestion autoritaire – un politicien dans la tradition de Chicago (le commentateur Mark Shields, du réseau PBS, a parlé à son sujet de « drame quotidien en trois actes » par opposition au caractère plus égal d’Obama).
La situation économique difficile est particulièrement pertinente à cet égard du fait que la plupart des citoyens se préoccupent davantage de savoir comment payer leurs factures que de réinventer la façon de faire de la politique. La rapidité sans précédent avec laquelle le président élu a nommé son personnel et annoncé ses plans de stimulation témoigne de cette urgence d’agir. Cela fait apparaître une importante source de tension, s’agissant de gouverner dans un monde de plus en plus numérique, en particulier en temps de crise : comment peut-on concilier le besoin de clarté et d’action énergique (qui suppose une concentration du pouvoir dans les mains d’une poignée de décideurs) et des modes de prise de décision plus diffus et davantage axés sur la consultation et la participation (auxquels adhèrent les adeptes de Web 2.0).