Paul Vogt est greffier du Conseil exécutif du gouvernement du Manitoba. Il s’entretient ici avec Paul Thomas, responsable de la bourse de recherche Duff Roblin et professeur en études gouvernementales à l’Université du Manitoba.

L’État obéit à une double direction, celle des politiciens élus et celle des fonctionnaires nommés. En théorie, il existe un partenariat constructif entre les deux groupes. À quoi les uns devraient-ils s’attendre de la part des autres?

Ce qui est fondamental, et cela s’applique aux deux groupes, c’est d’établir des priorités claires. Ce sont la multiplicité des priorités et l’absence d’une hiérarchisation claire sur le plan politique qui font problème. Une actualisation permanente et très claire du programme stratégique constitue l’aspect le plus important du leadership.

Il est également essentiel de nommer des communicateurs efficaces aux postes de direction, de sorte qu’à la fois le contenu et l’esprit de l’orientation du gouvernement soient transmis à tous les échelons de la hiérarchie. Il importe aussi que les dirigeants élus manifestent un certain respect à l’égard de la fonction publique. On ne parle pas souvent du respect, mais le moral des troupes s’en ressent lorsqu’il est absent – ce qui se manifeste souvent dans les médias et dans bon nombre d’interactions avec le public. Il est essentiel que les élus valorisent le travail des fonctionnaires, et que cela soit visible, notamment en première ligne.

Un troisième facteur important de leadership dans le secteur public se reflète dans la question que se posent les fonctionnaires : sommes-nous toujours prêts à dire la vérité aux dirigeants? Sommes-nous prêts à formuler des conseils indépendants et objectifs pour signaler aux ministres qu’une idée particulière n’est peut-être pas réalisable ou abordable?

À votre avis, existe-t-il une volonté de donner des avis professionnels et non partisans, même lorsqu’ils ne sont pas appréciés des politiciens?

Je pense que oui, lorsque ces avis proviennent des sous-ministres, et qu’ils peuvent être communiqués dans un cadre confidentiel approprié. C’est dans l’ordre des choses que les sous-ministres fassent réfléchir les ministres sur les grands principes des politiques publiques, et sur la façon dont ils les mettent en œuvre. Toutefois, une fois que le cabinet a pris une décision, il incombe aux sous-ministres de reconnaître l’orientation choisie par le gouvernement et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour atteindre les objectifs fixés. La distinction doit être claire.

Comment décririez-vous votre propre style de leadership?

Le leadership dans la fonction publique est subordonné à celui du gouvernement. L’une de mes principales préoccupations consiste à m’assurer que les élus appelés à prendre des décisions sont en mesure de le faire et qu’ils peuvent compter sur les hauts fonctionnaires pour donner suite à leurs décisions. J’ajouterai que l’esprit dans lequel les politiques sont exécutées est presque aussi important que les politiques elles-mêmes.

Ce qui m’importe le plus dans mon rôle, c’est que les décisions du gouvernement soient communiquées très clairement, avec tous les détails nécessaires pour qu’elles puissent être traduites en politiques efficaces. Je me considère comme un intermédiaire entre le cabinet et la fonction publique – je veille à obtenir les meilleurs avis et documents possibles pour les membres du cabinet, et je supervise l’exécution efficace des politiques.

Je dirais que mon style reflète le contexte du Manitoba. Notre assemblée législative est comme un petit village; le pouvoir exécutif et tous les sous-ministres sont regroupés, et se rencontrent donc très souvent en personne de manière informelle pour s’assurer que tout se déroule comme il se doit. Cela nous permet d’intervenir et de nous adapter plus rapidement que ne peuvent le faire les organismes plus grands. Le personnel qui sert le cabinet n’a pas augmenté depuis vingt ans. Durant la même période, les équipes d’élaboration et de mise en œuvre des politiques au plus haut niveau des gouvernements fédéral, ontarien et québécois se sont accrues considérablement. Cela signifie qu’il y a plus d’intermédiaires entre le pouvoir exécutif et les ministères qu’au Manitoba. En outre, nous comptons toujours sur les ministères pour produire des options stratégiques. L’équipe du Conseil exécutif chargée des politiques est très réduite, et nous nous fions entièrement aux ministères concernés pour la mise en œuvre. Nous avons besoin les uns des autres, ce qui est très sain et permet de clarifier le rôle des membres du Conseil exécutif – s’assurer de bien communiquer les besoins du cabinet, sans enlever aux ministères leurs responsabilités en matière de proposition des politiques et de mise en œuvre.

Quels progrès avez-vous réalisés en matière de renouvellement de la fonction publique, et qu’est-ce qui reste à accomplir?

Comme la plupart des provinces, nous avons mis en branle un processus officiel de renouvellement de la fonction publique, sous la direction de notre Commission de la fonction publique. Ce processus est issu du désir de remplacer la génération qui part à la retraite par les bonnes personnes et de nous préparer à accélérer les promotions. Notre objectif était de mettre en place davantage d’activités de formation en leadership et d’atteindre certains buts en matière d’équité. Nous voulons une fonction publique qui reflète le mieux possible le visage du Manitoba.

Le renouvellement a été légèrement retardé. La situation n’est toutefois pas aussi grave que nous le pensions, et compte tenu de la conjoncture économique actuelle, la transition pourrait être reportée d’encore quelques années, les gens repoussant leur départ à la retraite. Nous avons mis en place à l’intention de la nouvelle génération de sous-ministres des programmes efficaces de stage et de perfectionnement du leadership qui ont été très bien accueillis. Ils ont suscité l’intérêt d’un grand nombre de candidats à des postes de direction, qui sont en fait assez convoités dans la fonction publique. Nous avons élaboré, en collaboration avec l’Université Queen’s, un programme qui nous vaut une rétroaction crédible. Nous acceptons entre 40 et 60 personnes chaque année. Le programme s’adressait d’abord aux sous-ministres adjoints; aujourd’hui, il vise un groupe beaucoup plus important de cadres supérieurs.

Nos stratégies d’équité en emploi ont aussi eu beaucoup de succès, tout comme notre programme de stages en gestion à l’intention des Autochtones.

Il nous reste des progrès à faire en ce qui concerne la transformation de certains aspects de la culture actuelle et l’adoption d’une vision plus large de la fonction publique. L’administration est encore très compartimentée, et la structure ministérielle limite parfois les innovations stratégiques.

Le programme « Enfants en santé » ne constitue-t-il pas un bon exemple de décompartimentalisation?

Oui, le programme « Enfants en santé » et le Comité du Cabinet sur les questions autochtones constituent des initiatives visant à décompartimentaliser l’administration provinciale. La mise en œuvre de ces nouvelles initiatives stratégiques a exigé la constitution d’un nouveau comité du cabinet, puis le regroupement de tous les intervenants des ministères concernés pour établir un budget distinct, élaborer de concert les politiques et collaborer à leur mise en œuvre.

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