La Direction de la conservation et de la protection (C&P) est chargée de l’exécution des lois touchant Pêches et Océans Canada dans la région du Pacifique. Vers la fin de 2005, C&P faisait piètre figure. La fierté et l’engagement des employés s’étaient en grande partie effrités. Fermement déterminée à « rétablir un peu de fierté au sein de l’organisation », C&P a pris la voie du renouvellement et, en trois ans, s’est transformée en une organisation en bonne santé.
Comment transformer une organisation en mille jours
Le sondage auprès des fonctionnaires fédéraux 2005 (SAFF) permet de mieux apprécier la gravité de la situation à laquelle faisait face C&P. La comparaison du niveau d’engagement des employés de 54 ministères et organismes fédéraux révèle que C&P se serait classée… au dernier rang!
En 2007, C&P a administré ce même sondage à ses employés. En 18 mois seulement, C&P avait amélioré son rendement pour plus de 80 % des indicateurs.
Ces améliorations découlent directement des mesures prises par C&P afin de composer avec les enjeux qui importent aux employés:
- Communiquer de manière ponctuelle et claire l’information relative aux processus de dotation, les occasions d’emplois, et les changements anticipés dans l’organisation;
- Systématiquement doter les postes vacants en 3 semaines (au lieu de la moyenne fédérale de 22,8 semaines) et mener les campagnes de recrutement en 3 mois (au lieu de la durée habituelle de 6 à 9 mois);
- Améliorer les aptitudes de gestion du rendement des superviseurs;
- Créer une initiative de changement dirigée par la base et permettant aux employés de décider des changements à apporter à leurs lieux de travail et de leur mise en œuvre.
Ce bref résumé ne peut faire justice aux efforts de C&P, mais si vous êtes suffisamment intéressés pour initier des pratiques semblables dans votre propre organisation, il conviendrait de réorienter la présente discussion vers le mythe touchant la gestion du changement et le renouvellement organisationnel.
Le mythe : les initiatives de changement conduisent au changement
La majorité de la documentation et des croyances populaires repose sur la notion d’un changement qui s’effectue du haut vers le bas. Cette notion comporte certaines lacunes parce qu’elle suggère que le changement s’effectue au moyen d’une gestion traditionnelle, c’est-à-dire par l’entremise d’une vision, d’objectifs mesurables, de plans et, le tout bien sûr, émanant des échelons supérieurs. Bien que de telles initiatives de changement puissent faire avancer certains dossiers, les résultats ne sont pas nécessairement synonymes du changement. Par exemple :
Le fait de souscrire à une vision ne signifie pas que cette vision soit soutenue par les employés;Les objectifs mesurables excluent habituellement ce qui se mesure difficilement (tel les valeurs, le leadership et la gestion axée sur les personnes);Les plans ne donnent pas toujours lieu à des actions;Les approches séquentielles ne valent peu lorsqu’elles s’effectuent dans un milieu qui ne cesse d’évoluer et là où priment l’adaptabilité et la souplesse;Le leadership du haut vers le bas relègue souvent au second plan le leadership émanant de la base et peut même donner lieu à une perception voulant que ce soit la haute direction, et elle seule, qui mène au changement.On estime qu’entre 50 % et 70 % des initiatives de changement organisationnel échouent. Les gestionnaires peuvent trouver confort dans les initiatives de changement élaborées avec soin, mais ce faisant, ils s’exposent à de nombreux risques. Voici quelques uns des pièges les plus communs et quelques conseils pour les éviter.
Si vous désirez renouveler votre organisation comme C&P l’a fait, ne faites pas comme C&P! Autrement dit, méfiez-vous des « meilleures pratiques » et tenez compte de votre propre situation. Ce que nous avons fait pour renouveler C&P a fonctionné parce que c’était adapté aux besoins des employés. Vous ne pouvez pas vous attendre aux mêmes résultats en mettant en œuvre les mêmes pratiques dans une organisation dont le mandat est différent, laquelle évolue dans un contexte différent et se caractérise par une culture différente.
Méfiez-vous des solutions rapides, c’est-à-dire n’essayez pas de résoudre des problèmes sans modifier la façon de penser qui a d’abord contribué à les provoquer. Selon Peter Senge : « les solutions qui ne se préoccupent que des symptômes d’un problème et non de ses causes fondamentales, ne présentent au mieux que des avantages à court terme. À la longue, le problème se présente à nouveau et le besoin d’une réponse symptomatique se présente de façon encore plus pressante. »
Résistez à la tentation de vous lancer dans trop de directions. Vous risquez alors d’obtenir un ensemble de solutions fractionnées qui ne peuvent soutenir l’épreuve du temps. Plutôt que de disperser vos efforts, il vous sera probablement préférable de porter votre attention sur un nombre plus restreint d’initiatives qui se concentrent sur un même problème clé et le résoudre pour de bon.
N’oubliez jamais que si vous sentez le besoin de lancer une initiative de changement, il s’agit sans doute que :
- Vous et votre organisation n’avez pas changé jusqu’à présent;
- En pareil cas ou cas semblable, vous n’avez pas perçu le besoin d’effectuer un changement ou n’avez pas su comment procéder;
- Jusqu’ici votre façon de penser et vos comportements ont sans doute perpétué (ou aggravé) la situation à remédier.
Voilà pourquoi il est dangereux de croire que des initiatives de changement conduisent au changement. C’est un mythe. La réalité exige d’abord que VOUS changiez. Après tout, si vous n’aviez pas besoin de changer, vous n’auriez pas besoin d’une initiative de changement!
La réalité: le changement personnel conduit au changement
Il serait facile de croire que les pratiques présentées plus tôt sont la cause du changement vécu par C&P. Le contraire est vrai : ces pratiques sont la résultante d’un changement en profondeur qui s’est opéré dans l’esprit des employés et de la gestion de C&P. Par exemple, la raison pour laquelle C&P dote ses postes en trois semaines est que nous faisons de la dotation notre priorité absolue et reconnaissons que la dotation est l’un des principales moyens de bâtir la confiance avec le personnel. En changeant notre façon de penser, nous avons changé la façon dont nous faisons de la dotation.
La recette du renouvellement de C&P est simple. Ce qui est difficile c’est de l’appliquer tous les jours. La moindre erreur pourrait tout ruiner. Peu d’individus et encore moins d’organisations ont la discipline et la patience nécessaire pour soutenir ce type de transformation.
Un meilleur engagement des employés ne signifie pas moins de travail, mais plutôt un changement de priorité. Au lieu de faire face à un manque de motivation, des conflits entre employés, ou un rendement qui laisse à désirer, il vous incombera d’orienter l’énergie de vos employés sur une bonne voie afin d’aboutir aux meilleurs résultats possibles. Chaque jour mettra à l’essai votre engagement au renouvellement. Et vous vous rendrez compte que vous devez d’abord apporter des changements personnels avant que l’organisation suive le pas. Selon Martha Finney : « l’engagement, peu importe la satisfaction qu’il apporte, s’avère tout de même une charge onéreuse. »
Étienne Laliberté est Conseiller principal, Gestion du changement et développement organisationnel, Conservation et protection, Pêches et Océans Canada à Vancouver. Il est l’auteur de « Un renouvellement qui dérange : les ges