Parallèlement à l’importance accrue accordée à la gestion du rendement, la Cour suprême du Canada (C.S.C.) a clarifié et assoupli les règles de congédiement d’un cadre supérieur dans les organismes du secteur public. Du même coup, les cadres supérieurs devraient savoir qu’ils pourraient avoir perdu un important droit procédural.
Pour l’essentiel, l’arrêt rendu récemment dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick abolit l’obligation de tenir une audience pour se conformer à l’obligation d’équité avant de congédier un employé qui occupe une charge publique (par exemple un cadre supérieur d’une administration provinciale ou municipale) s’il existe un contrat de travail entre les parties, sauf si ledit contrat prévoit expressément la tenue d’une telle audience.
Grief déposé par un employé
En 2002, David Dunsmuir est engagé au ministère de la Justice du Nouveau-Brunswick à titre de conseiller juridique et de greffier. Sa nomination s’étant faite par décret, il est considéré comme haut fonctionnaire.
Dès le départ, le travail de M. Dunsmuir a donné lieu à des problèmes. Sa période d’essai a été prolongée à deux reprises et il s’est fait réprimander à trois occasions durant sa période d’emploi. La troisième fois, il a reçu une lettre officielle l’avisant que, si son rendement ne s’améliorait pas, il s’exposait à de nouvelles mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.
Lors d’une rencontre préalable à l’évaluation du rendement de M. Dunsmuir, l’employeur a conclu que celui-ci ne répondait pas aux exigences de son poste et l’a remercié de ses services le lendemain. L’employeur n’a invoqué aucun motif et M. Dunsmuir a reçu une indemnité de quatre mois de salaire tenant lieu de préavis.
M. Dunsmuir a déposé un grief aux termes de la Loi sur les relations de travail dans les services publics de la province, qui donne aux employés non syndiqués le droit de présenter un grief. L’arbitre a ordonné la réintégration de M. Dunsmuir. Étant donné que celui-ci exerçait certaines fonctions à titre de fonctionnaire, l’arbitre a conclu qu’en common law, il avait le droit d’être entendu avant d’être congédié, et ce, même si aucun motif n’avait été invoqué. Le droit à l’équité procédurale constitue l’un des principaux fondements du droit administratif canadien depuis une décision rendue par la C.S.C. dans les années 1970.
L’employeur ayant fait appel de la décision de l’arbitre, la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick et la Cour d’appel ont toutes deux annulé l’ordonnance de réintégration. M. Dunsmuir a alors porté sa cause devant la C.S.C. Son appel a été rejeté à l’unanimité.
La C.S.C. a appuyé la décision des deux tribunaux inférieurs et confirmé que les principes du droit contractuel avaient préséance sur l’obligation d’équité en droit public. Deux des juges ont résumé ainsi les principales conclusions de la Cour suprême :
« …la distinction entre titulaire de charge et employé contractuel aux fins de déterminer un droit à l’équité reconnu en droit public soulève des difficultés et devrait selon nous être abandonnée. Elle s’est révélée difficile dans les faits et sans corrélation avec la raison d’être de l’imposition de l’obligation d’équité procédurale. Ce qui importe […], c’est la nature de la relation d’emploi : lorsqu’elle est contractuelle, elle doit être considérée comme toute autre relation d’emploi assujettie au droit privé, même lorsque l’employé est titulaire d’une charge. »
Bien public
Avant l’arrêt Dunsmuir, lorsqu’un organisme provincial ou municipal voulait congédier un cadre supérieur, il devait, en raison de l’obligation d’équité procédurale, tenir une audience pour donner à l’employé l’occasion de le convaincre de ne pas mettre fin à son emploi. Cette obligation s’appliquait à tous les employés considérés comme des fonctionnaires, ce qui incluait tous les titulaires de postes prévus par la loi (comme greffier, trésorier ou directeur général d’une municipalité) ainsi que les autres hauts fonctionnaires (comme les procureurs municipaux et, dans certains cas, les chefs de service).
Maintenant, à la suite de l’arrêt Dunsmuir, un employeur tel qu’un organisme provincial ou municipal n’a plus à se conformer à l’obligation d’équité procédurale avant de congédier un employé, à moins que le contrat de travail dudit employé ne stipule le contraire.
Les employeurs du secteur public sont encore tenus de respecter les normes de préavis prévues par la loi et la common law dans les cas de congédiement sans motif (lorsqu’il n’y a aucune preuve objective flagrante que l’employé a fait preuve d’incompétence, de négligence ou d’inconduite).
Le gouvernement fédéral et la plupart des provinces ont