Le 31 mars dernier, le greffier du Bureau du Conseil privé a présenté au premier ministre son plus récent rapport annuel sur l’état de la fonction publique au Canada. C’était le quatrième rapport que Kevin Lynch présentait depuis sa nomination au poste de greffier. Le document contient des éléments nouveaux et intéressants qui deviendront vraisemblablement des constantes des futurs rapports.

Depuis que le greffier est devenu chef de la fonction publique, il y a 16 ans, Lynch est le premier à avoir clairement fait du renouvellement de la fonction publique sa priorité en matière de gestion. Il a pour ce faire créé un secrétariat du renouvellement et a demandé à la sous-greffière du Conseil privé qu’elle en fasse sa principale responsabilité.

Plus précisément, il a choisi de se faire le champion d’un changement de culture, à l’heure où la fonction publique vit une phase de transition sur le plan démographique et où elle fuit le risque. Le rapport contient quelques renseignements intéressants au sujet de l’état de la fonction publique et apporte des précisions sur l’évaluation du rendement des sous-ministres ainsi que sur la façon d’ancrer son programme de changement de culture.

Le contexte est particulièrement important – le renouvellement se fera parallèlement à la réaction du gouvernement à la crise économique et sociale actuelle. Cela signifie que les efforts consacrés à la réforme de l’administration publique seront partagés entre les activités visant à mettre en œuvre les engagements pris lors du budget.  

Un autre aspect tout aussi important est le présumé fossé grandissant qui se creuse entre la haute direction de la fonction publique et le cabinet du premier ministre, les ministres et leur personnel. Cet écart risque de peser lourd sur les efforts de renouvellement, car il menace de miner les avertissements servis par le greffier à la collectivité des sous-ministres, à qui il demande de prendre plus de risques mesurés et d’exercer un contrôle accru sur la gestion des ministères.   

Le rapport fait état des progrès de la fonction publique sur la voie du renouvellement, dans les quatre grands volets qui ont été établis dans les rapports précédents : la planification, le recrutement, le perfectionnement des employés et la mise en place d’une infrastructure habilitante. L’année 2008 a été des plus actives. Tout d’abord, sous l’impulsion de Tony Dean, la collectivité des sous-ministres s’est vu intimer d’intégrer son travail à la planification globale des activités. Au chapitre du recrutement, pas moins de 4 000 nouveaux fonctionnaires ont été embauchés et de nombreux efforts ont été faits pour redorer le blason de la fonction publique fédérale. L’État a en outre reçu plus d’un million de demandes d’emploi l’an dernier, ce qui laisse à penser qu’il est à nouveau bien vu de travailler dans la fonction publique (une tendance qui existait même avant la récession). Pour ce qui est du perfectionnement, tous les employés se sont dotés d’un plan d’apprentissage personnel et l’on s’attend à ce que cela se traduise par une amélioration de la mesure de la performance et de la formation en bonne et due forme.  

En dernier lieu – et c’est ce qui importe le plus -, il y a eu une modification considérable du régime de gouvernance des ressources humaines. Les changements organisationnels lancés en 2003 ont été abolis et remplacés par une structure plus simple qui s’intègre au cycle global de planification du Conseil du Trésor. L’alignement des ressources humaines sur d’autres aspects de la planification devrait permettre de réduire le « labyrinthe de règles » et de créer des normes de service explicites pour la gestion des ressources humaines.

Le rapport de Lynch introduit deux nouveaux éléments. Tout d’abord, une feuille de pointage pour le travail accompli au cours de la dernière année. Bien qu’on ne sache pas exactement comment les résultats ont été mesurés, on peut y voir un premier pas important dans la mise en place d’un régime transparent de responsabilisation qui pourra servir pour les prochains rapports. Ensuite, Lynch a levé le voile sur l’un des aspects les plus confidentiels de la fonction publique, soit le cadre d’évaluation des sous-ministres.  

L’année 2008 a été très importante pour ce qui est des efforts investis dans le renouvellement de la fonction publique. Le fait le plus remarquable est que la collectivité des sous-ministres est désormais clairement aux commandes – et responsable – des ressources humaines. Qui plus est, la rationalisation de l’Agence de la fonction publique qui a eu lieu en février 2009 démontre que le gouvernement fédéral reconnaît les besoins d’aligner le travail des organismes centraux sur la volonté de décentralisation énoncée dans la Loi sur la modernisation de la fonction publique de 2003. Autrement dit, la réorganisation reconnaît que « les organismes centraux doivent être rationalisés et unifiés; ils doivent être de taille modeste et résolus à offrir des directives et des cadres habilitants ».
 
Toutefois, il existe encore un certain nombre d’importantes questions en suspens auxquelles il faudra s’attaquer afin d’instaurer pour de bon le changement de culture souhaité. Dans Our Iceberg is Melting, les auteurs dénombrent huit étapes cruciales pour réaliser un changement organisationnel durable. Une de ces étapes consiste à donner le pouvoir voulu aux autres pour qu’ils puissent agir dans le sens du changement de culture souhaité. À cet égard, Lynch a repéré un certain nombre de collectivités qu’il voudrait mobiliser comme facilitateurs du changement : les nombreuses collectivités fonctionnelles (les responsables de la réglementation, les scientifiques), la collectivité nationale des gestionnaires et les conseils régionaux fédéraux. Notamment, il cible les cadres intermédiaires, que des études antérieures ont présentés comme « vecteurs clés de la culture ».  

Comme l’explique Lynch, le renouvellement « constitue un processus délibéré d’évolution et d’innovation qui doit se poursuivre, car aucune institution nationale ne peut espérer réussir sans évoluer ». Compte tenu des responsabilités que le gouvernement doit assumer à l’heure actuelle, il est primordial que les administrations publiques reconnaissent l’importance de donner les moyens qu’il faut à ceux qui interprètent et qui appuient le changement de culture.  

David Zussman est titulaire de la Chaire Jarislowsky de gestion dans le secteur public à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa (dzussman@uottawa.ca).

Note de l’éditeur : pour consulter le 16e rapport annuel du greffier, rendez-vous à www.pco-bcp.gc.ca. Notre numéro de juin présentera des entrevues avec Michelle D’Auray, la nouvelle dirigeante principale des ressources humaines, et avec Paul Tellier, coprésident du Groupe de travail du Premier ministre sur la fonction publique.