Le renouvellement est toujours en tête de la liste des priorités de la fonction publique du Canada, une place qu’il partage avec la mise en œuvre du nouveau budget et des priorités du gouvernement.

Paul Tellier et Don Mazankowski coprésident un comité qui conseille le premier ministre et le greffier au sujet de la fonction publique. Le conseil donné dans le dernier rapport du comité se résume en une phrase : simplifier le système des RH, en améliorer l’efficacité et mettre l’accent sur la gestion de la performance. Paul Tellier a été à la tête de la fonction publique du Canada de 1985 à 1992, avant d’entreprendre une carrière émérite de haut dirigeant dans le secteur privé, comme PDG du CN, PDG de Bombardier et membre de nombreux conseils prestigieux.

Michelle D’Auray a été nommée dirigeante principale des ressources humaines, un poste récemment créé (mars 2009) pour donner suite au rapport cité précédemment. Elle était sous-ministre à Pêches et Océans depuis 2007, et dirigeante principale de l’information pour le gouvernement du Canada de 2000 à 2004.

Ils se sont entretenus avec les rédacteurs Paul Crookall et Robert Parkins.

Paul Tellier

La gestion de la performance n’a pas l’air de retenir l’attention des médias outre mesure. On semble vouloir donner suite à vos rapports par des restructurations. Est-ce vraiment le cas?

Il est très important que les personnes comprennent dans quelle mesure elles réussissent ou échouent. Voilà pourquoi nous avons insisté sur la mise en place d’un processus rigoureux à cet égard. L’an dernier, le greffier s’est déclaré en faveur d’une telle mesure et nous sommes aujourd’hui satisfaits de voir que cela est fait de façon très professionnelle au niveau des sous-ministres – probablement aussi bien que ce qui se fait dans les entreprises les mieux gérées. L’objectif à l’heure actuelle est de faire en sorte que cette pratique soit étendue aux échelons inférieurs. On tente cette année de l’implanter au niveau des SMA et, bien entendu, il faudra au final que cela se répande à toute l’organisation.

La façon de traiter les employés non performants est, elle aussi, cruciale. Il ne s’agit pas ici d’établir des quotas et d’éliminer les 10 p. cent les moins performants chaque année, mais de prendre des mesures adaptées à chaque cas individuel, selon les besoins. Notre groupe de travail est diversifié : nous avons des personnes qui dirigent des hôpitaux, des universités, une banque et ainsi de suite. Nous avons été secoués – et je ne crois pas que le mot « secoués » soit trop fort – de constater combien étaient rares les cadres qui avaient été invités à quitter leur emploi. Le pire effet que les non-performants peuvent avoir est de saper le moral du personnel. Nous avons donc demandé qu’une politique de licenciement soit mise en place. Le Conseil du Trésor y travaille. Il y a quelques personnes qui ont recours à des licenciements. J’ai déjà eu un économiste de très haut niveau qui n’était pas très performant et qui, entre parenthèses, faisait partie d’une minorité visible. Il croyait que je ne m’attaquerais jamais à lui. Il m’a fallu beaucoup de temps pour arriver à mes fins. Mais il y avait vraiment trop de gens (et c’est la raison pour laquelle nous avons été secoués), trop de ministres et de sous-ministres qui disaient : « À quoi bon? Cela va prendre tellement de temps, et le bureau du ministre va s’en mêler ou le député local, et ainsi de suite ». Voilà la mentalité que nous essayons de changer.

David Zussman dit que le plus grand défi sera d’obtenir l’adhésion des sous-ministres et de faire en sorte que les professionnels des RH changent d’attitude. Êtes-vous également de cet avis?

C’est assertion est vraie au sens où, pendant de nombreuses années, la culture et la tradition ont voulu que les sous-ministres soient avant tout des conseillers stratégiques, avant d’être des responsables de la mise en œuvre. Je crois que cela a changé. Mais la mentalité qui consiste à penser : « On a un problème, mais le personnel s’en occupera » persiste chez les cadres. Le greffier est bien déterminé à s’assurer que les sous-ministres sont évalués sur leur gestion des ressources humaines. Cela ne va pas se produire du jour au lendemain, avec des sous-ministres qui sont au four et au moulin, qui doivent s’entretenir avec le ministre après la période des questions et qui doivent comparaître devant un comité parlementaire, tout cela en même temps. Dans bien des cas, la gestion de la performance se retrouve en queue des priorités. Voilà précisément ce que nous essayons de changer. Le premier ministre est au courant de nos intentions, nous lui en avons parlé.

Dans votre rapport, vous annonciez que des erreurs seraient commises. Vous vous êtes prononcé en faveur d’une plus grande prise de risques. Le ministre Flaherty a repris cette idée publiquement et le greffier l’a aussi répétée. Par ailleurs, la vérificatrice générale exhorte les fonctionnaires à respecter les règles malgré leur hâte de passer à l’action, faute de quoi elle va sévir.

En tant qu’agente du Parlement, la vérificatrice a des obligations. Notre comité a passé beaucoup de temps avec elle. Elle reconnaît dans ses derniers rapports qu’il y a trop de règles dans l’administration fédérale. La Loi fédérale sur la responsabilité et toutes les répercussions qu’a eues le scandale des commandites ont engendré un certain état d’esprit, une culture où la crainte du risque est omniprésente, qui finira par nuire aux Canadiens si on ne fait rien pour le changer. Par exemple, la jeune femme qui a coordonné l’évacuation de 75 000 Canadiens du Liban lors du dernier conflit a dû louer des avions et des bateaux sans recourir à une présentation au Conseil du Trésor. Elle a pris des raccourcis et s’est fiée à son jugement. Et elle a accompli sa mission. En Afghanistan, où je suis allé dernièrement, les chinoiseries bureaucratiques imposées aux personnes qui s’occupent des programmes d’aide sont tout simplement ridicules.

Au début de ma carrière, j’enseignais le droit constitutionnel. Un juge de la cour suprême des États-Unis m’avait fait part d’un article fort pertinent. Je voulais m’en servir dans mes cours, mais l’article avait été tiré du magazine Playboy. Je risquais donc de me faire admonester par le doyen : « Paul, à quoi diable avez-vous pensé? » Où qu’on soit, il faut savoir recourir à l’innovation pour effectuer son travail, il faut oser faire ce qu’il faut lorsque les règles vous empêchent d’arriver à vos fins. C’est un aspect particulièrement important si l’on veut que les programmes du budget actuel soient mis en œuvre rapidement.

Le fait que le ministre Flaherty et moi faisions les mêmes déclarations est pure coïncidence; nous ne l’avons pas planifié. Nous sommes cependant conscients tous les deux que, si chaque fonctionnaire municipal, provincial et fédéral applique les règles de façon pointilleuse, il n’y a aucune chance que les mesures de stimulation du budget aient l’incidence recherchée. Donc, au fond, c’est ce que nous essayons de dire.

Pour ce qui est de la gestion de la performance, il est très important d’adopter une approche positive. Le but n’est pas de licencier des gens. Il est plutôt