Dans son quinzième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada (2008), le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet mentionne ce qui suit : « Le renouvellement consiste à veiller à ce que la fonction publique fédérale préserve, voire renforce sa capacité de contribuer au succès du Canada par la prestation d’excellents services à la population et de judicieux conseils stratégiques. À cet égard, il nous faut relever deux défis de taille : d’abord, le vieillissement de l’effectif dont bon nombre d’éléments, en particulier des cadres supérieurs, verront bientôt sonner l’heure de la retraite, et ensuite, la complexité croissante des enjeux touchant le Canada et sa place dans le monde. »

Comment les pratiques de dotation de la fonction publique fédérale peuvent-elles répondre plus précisément au défi de la complexité croissante? (Cet article entend présenter non pas une analyse exhaustive des politiques et des pratiques de recrutement et de gestion des employés, mais bien le point de vue d’une fonctionnaire fédérale qui gère des initiatives horizontales depuis maintenant une dizaine d’années.)

On insiste beaucoup sur le recrutement de nouveaux employés au sein de la fonction publique, mais il faut également s’assurer que les fonctionnaires possèdent les compétences et les aptitudes requises (en particulier en ce qui a trait à la collaboration et aux partenariats) pour relever les défis sociétaux complexes d’aujourd’hui.

Un nombre croissant de travaux de recherche sont consacrés à la gestion horizontale et à la coordination. Je dis souvent à la blague que si j’en fait une pile, les articles et les livres qui portent sur ces sujets forment une structure verticale imposante dans mon bureau. Pourtant, malgré toutes les recherches et tout ce qui a été dit sur le sujet, la collaboration ne fait toujours pas partie intégrante de la culture de la fonction publique.

À mon avis, l’absence d’une solide culture de collaboration est quelque chose qu’aucune administration publique moderne ne peut se permettre. D’ailleurs, dans son rapport de novembre 2005, la vérificatrice générale mentionnait qu’une mauvaise gestion horizontale pourrait :

  • nuire sérieusement à l’efficacité de la fonction publique en réduisant la probabilité d’atteindre les résultats collectifs escomptés;
  • mettre en péril l’utilisation efficiente des ressources;
  • accroître le risque de chevauchement et de double emploi des programmes.

Alors, pourquoi avons-nous tellement de mal à assimiler le concept de la coordination horizontale?

Puisque l’espace me manque pour énumérer tous les facteurs, je me pencherai sur la façon dont les pratiques de dotation et de gestion du personnel en vigueur font en sorte qu’il est difficile de changer le mode de fonctionnement actuel et de mettre de côté le protectionnisme de certains ministères pour promouvoir une perspective pangouvernementale.

Nous avons bâti une fonction publique fonctionnant principalement selon un modèle concurrentiel de dotation, de promotion et de récompense, qui favorise ceux et celles qui représentent le mieux les points de vue des ministères. Ce modèle était et est encore important, car il constitue une composante essentielle de l’esprit d’émulation qui sous-tend une politique publique saine. Toutefois, le fait pour un ministère de défendre obstinément son point de vue peut nuire à la vue d’ensemble du gouvernement, faisant ainsi obstacle à la capacité de fournir des services de qualité supérieure aux Canadiennes et aux Canadiens.

Pouvons-nous faire les choses différemment? Évidemment. Les dirigeants, gestionnaires et conseillers en ressources humaines devraient déterminer quelles sont les activités de dotation et de gestion du personnel qui mettent davantage l’accent sur la collaboration et l’établissement de partenariats. Voici quelques-unes des pratiques que j’ai recensées et qui, selon moi, permettraient le mieux d’implanter une culture de collaboration :

  • faciliter et promouvoir les affectations interministérielles, les affectations dans le cadre d’un programme d’échanges ou les autres types d’échanges avec des organismes extérieurs, comme le Programme des dirigeants et dirigeantes émérites du gouvernement du Canada;
  • désigner la « collaboration » ou « l’établissement de partenariats » comme des qualités essentielles dans les énoncés de mérite de bon nombre de postes de classifications et de niveaux différents. Plus précisément, les types d’expériences et les capacités requises pourraient comprendre les éléments suivants : excellentes aptitudes pour les relations interpersonnelles; capacité de voir la situation dans son ensemble; expérience comme courtier en solutions/facilitateur; capacité d’établir, de maintenir et de renforcer des réseaux/partenariats; volonté de partager de l’information, des idées et des perspectives; expérience de travail avec divers intervenants; expérience de la coordination d’activités entre organismes;
  • afficher toutes les possibilités d’emploi dans l’ensemble des ministères fédéraux, pas seulement dans le cas des postes de niveaux supérieurs et des postes annoncés au public;
  • inviter les membres d’un réseau à participer au processus de dotation, soit à l’étape des entrevues ou durant la vérification des références, afin de s’assurer que les candidats en lice contribueront à maintenir et à cultiver les relations établies;
  • recourir à des simulations dans lesquelles les candidats devront démontrer qu’ils sont capables de collaborer avec autrui;
  • demander aux candidats de se soumettre à une évaluation tous azimuts, laquelle portera notamment sur les commentaires des partenaires clés à l’extérieur de la fonction publique;
  • établir un lien entre les ententes de rendement et la collaboration en vue de promouvoir la collaboration à titre d’objectif organisationnel important à tous les niveaux. Plus précisément, pour les employés admissibles à la rémunération au rendement, les ministères pourraient considérer la « collaboration » comme un engagement ministériel afin d’obliger tous les cadres à montrer de quelle façon ils contribuent à la culture de collaboration;
  • récompenser les fonctionnaires qui incarnent la culture de collaboration par le biais de programmes de fierté et de reconnaissance.

Ce ne sont là que quelques idées parmi tant d’autres. Nous devons dresser un répertoire des pratiques utiles, mais par-dessus tout, nous devons commencer à mettre en œuvre ces mesures afin de les intégrer aux pratiques opérationnelles courantes.

J’envisage l’avenir avec optimisme. Dans le cadre de mes recherches, j’ai pu lire les énoncés de critères de mérite de postes qui sont présentement affichés, des postes stratégiques de niveau intermédiaire à supérieur au sein du gouvernement du Canada. J’ai été agréablement surprise de constater que chaque énoncé renfermait au moins une qualification liée (directement ou indirectement) à la collaboration ou à l’établissement de partenariats. Une autre raison pour laquelle je suis optimiste est qu’Affaires indiennes et du Nord Canada, comme certains autres ministères, a décidé de consacrer des ressources à la promotion d’une gestion et d’une coordination horizontales accrues en mettant sur pied des unités de travail qui ont pour mandat de promouvoir la coordination et qui disposent de pouvoirs à cette fin. Ce sont là des étapes importantes dans la création d’une culture de collaboration et dans le renouvellement de la fonction publique du Canada.

Paul Crookall, rédacteur en chef du présent magazine, a écrit récemment que l’atteinte de l’excellence ne devrait pas être une démarc