Une entrevue avec le vice-ministre Cassie Doyle.

Il n’est pas facile par les temps qui courent d’occuper le poste de sous-ministre. Les demandes s’accroissent, et la fonction évolue. Comment voyez-vous votre rôle de sous-ministre?

Je pense qu’un engagement véritable est essentiel. Plus on reste longtemps au sein d’un ministère, plus on devient efficace. La stabilité est importante aussi bien du point de vue du leadership que de celui du ministère; il importe de savoir qui on est et de connaître ses attentes.
 
J’essaie par ailleurs de rencontrer le plus souvent possible tous les intervenants. Autrement, le seul moment où on peut faire passer un message à titre de sous-ministre, à moins de faire des efforts particuliers, c’est lorsqu’on se présente devant un comité permanent du Parlement. Quand j’étais sous-ministre en Colombie-Britannique, quelqu’un m’a dit un jour que le succès consistait à ne jamais avoir son nom dans les médias. Il nous faut pourtant faire connaître notre ministère, et mobiliser le public.

Il importe aussi d’adopter une approche du leadership axée sur la collaboration. Je ne crois pas qu’il existe de « grands hommes »; une seule personne, aussi héroïque soit-elle, ne peut pas transformer à elle seule tout un organisme. À Ressources naturelles Canada, nous avons adopté une stratégie en trois volets – but commun, collaboration et culture du leadership.

Nous avons réalisé notre but commun en élaborant un cadre intégré, c’est-à-dire une vision stratégique des ressources naturelles.

L’adoption d’une vision et d’un mandat mieux intégrés qui permettent à l’ensemble du ministère de travailler plus efficacement nous a aidés à réaliser notre objectif de collaboration. Nous avons mis à profit les outils du Web 2.0 pour soutenir les initiatives de collaboration. Notre wiki a pris son envol, et nous nous en servons pour faire progresser nos équipes de travail transversales et nos collectivités de pratique. C’est très impressionnant de constater combien cet outil a permis de renforcer la collaboration au sein du ministère et de transformer la façon dont nous travaillons ensemble.

Quant à la culture du leadership, c’est une démarche clé qui vise à assurer la valorisation du leadership au sein du ministère et à faire en sorte que tous sentent qu’ils sont de la partie. Du point de vue d’un organisme axé sur le savoir comme RNCan et, cela va de soi, sur le plan du renouvellement de la fonction publique, cette approche est pleine de bon sens. Les jeunes professionnels veulent apprendre et apporter une contribution – c’est donc ce sur quoi notre stratégie de culture du leadership est axée.

Nous avons publié un article sur votre wiki de collaboration dans notre numéro d’octobre 2008. Vos employés ont réagi avec enthousiasme quand vous leur avez demandé de prendre des risques, en les assurant que vous en assumeriez la responsabilité en cas de pépin.

Ce sont nos jeunes employés qui ont suggéré un wiki. Quand nous avons étudié cette possibilité, nous avons recensé plusieurs risques – touchant la protection de la confidentialité, la mise en œuvre, etc. – qu’il nous a fallu évaluer soigneusement. Je fais foncièrement confiance aux employés de RNCan. Ils font preuve d’un engagement supérieur et d’excellence dans leur travail. Je suis prête à assumer les risques associés à un outil qui, conformément à notre objectif, facilite la collaboration transversale, afin d’offrir aux employés un forum leur permettant de partager leurs connaissances et leurs activités, et de commenter les travaux des autres. Les employés de RNCan sont des professionnels et des fonctionnaires dévoués. La confiance constitue donc la véritable pierre angulaire de cette initiative.

La confiance est l’antidote de l’aversion pour le risque. Celle-ci découle en bonne partie de l’importance accordée à la possibilité que quelque chose aille de travers et que cela dégénère. Le plus grand risque, toutefois, est de ne pas créer un milieu de travail qui attire les jeunes talents et qui les incite à rester. Le wiki est un catalyseur d’innovation et de partage de connaissances, et nous avons du plaisir à l’utiliser. Il faut instaurer des milieux de travail où les gens sentent qu’ils peuvent communiquer et innover.

Le wiki est devenu un outil indispensable. Nous avons mis au point un tableau de bord qui permet de surveiller en temps réel les répercussions de la crise économique sur les secteurs qui nous concernent. Les données sont mises à jour quelques fois par semaine. Il suffit d’aller sur le wiki pour savoir ce qui se passe sur les marchés et partout au pays à n’importe quel moment. Ainsi, tous les employés du ministère peuvent partager leurs connaissances et l’information qu’ils ont obtenue. De ce point de vue, le wiki est un outil puissant.

Certains observateurs soutiennent que le plan de rétablissement du gouvernement néglige la science et l’innovation. En quoi RNCan est-il touché?

Je ne suis pas d’accord avec cette analyse. Le budget de relance mise sur les points forts du Canada, notamment dans le secteur des ressources naturelles. RNCan a investi dans des initiatives qui améliorent la compétitivité de l’industrie de la forêt, par l’entremise de l’innovation en matière de produits forestiers et de développement des marchés. Nous avons aussi investi dans la modernisation des laboratoires fédéraux.

Nous avons reçu des fonds d’un milliard de dollars à investir dans l’énergie non polluante. Sur le plan stratégique, c’est sur cette voie que doit s’engager le secteur canadien de l’énergie; il faut investir dans la recherche et le développement et les projets de démonstration de nouvelles technologies qui réduiront les émissions de nos systèmes énergétiques. Il faut aussi investir dans la recherche et les sciences dans l’Arctique.

Le Fonds d’adaptation des collectivités, doté d’un milliard de dollars sur deux ans, aidera les collectivités où les répercussions sont cycliques, afin de maintenir leur capacité de reprise. Ainsi, les mines qui doivent fermer pourront rouvrir lorsque les marchés se rétabliront.

À votre avis, le secteur des ressources naturelles peut-il être un moteur de reprise? Comment le ministère peut-il contribuer à préparer le secteur à cette reprise?

Pour nous, le Canada possède trois atouts stratégiques en ce qui concerne les ressources naturelles : les ressources elles-mêmes, la capacité du pays à innover, et ses mécanismes d’aide à la compétitivité. En ce qui concerne l’innovation, nous investissons dans l’énergie propre, dans les technologies de capture et de séquestration du carbone pour le charbon et les sables bitumineux, dans l’innovation en matière de produits forestiers et dans l’exploitation minière non polluante. En matière de mécanismes d’aide à la compétitivité, nous avons mis sur pied un Bureau de gestion des grands projets qui permettra au gouvernement fédéral d’améliorer les évaluations environnementales et les exigences de réglementation touchant les grands projets liés aux ressources naturelles.

J’envisage avec beaucoup d’enthousiasme l’investissement prévu dans le dernier budget pour les projets de démonstration de bioraffineries du secteur forestier. C’est de cette façon que nous pouvons améliorer la valeur que nous offrent nos ressources forestières. Nous nous efforçons de nous placer en bonne position pour repartir rapidement.

Les partenariats public-privé participant à ces activités sont-ils nombreux?

En fait, presque tout