L’acquisition et le transfert de connaissances sont des processus fluides et dynamiques. L’enseignement et l’apprentissage n’ont rien à voir avec des bouquins poussiéreux ou des exposés arides, mais plutôt avec le mouvement des idées. C’est une question d’eros et de logos, et aussi un peu de pathos. Et comme pour une pile de livres, l’équilibre est un brin précaire et tout peut s’effondrer à n’importe quel moment. Toutefois, il n’y a rien de plus satisfaisant que lorsqu’on réussit à capter l’attention des étudiants, et qu’on lit sur leur visage leur excitation à mesure qu’ils assimilent ce qu’on leur transmet.

J’en suis à ma vingtième année d’enseignement. Mais ce qui compte, c’est l’avenir, pas le passé. Les étudiants ont changé au fil du temps, et j’ai adapté mes méthodes d’enseignement à cette culture nouvelle et vivante. J’aimerais vous faire part de quelques observations à propos des étudiants d’aujourd’hui, et de ce à quoi vous pouvez vous attendre lorsqu’ils se joindront à la fonction publique ou à vos salles de classe.

Les étudiants d’aujourd’hui sont novateurs, efficaces et créatifs. Pour ne citer qu’un seul exemple : lorsque l’Agence de la santé publique, en décembre il y a deux ans, m’a invitée à réaliser une étude des répercussions des organismes bénévoles sur les soins de santé au Canada pour le mois d’avril, j’ai refusé parce que j’avais d’autres engagements. Comme les responsables insistaient, je leur ai proposé de mettre sur pied une équipe de cinq étudiants triés sur le volet pour effectuer le travail sous ma supervision. Ils ont manifesté un peu d’hésitation – jusqu’à ce que je leur montre le curriculum vitae des étudiants sélectionnés. Lorsque j’ai demandé aux étudiants de participer à ce projet, quatre ont accepté, mais le cinquième a décliné l’offre parce qu’il voulait se concentrer sur ses études; j’ai donc combiné les travaux de recherche à un cours de lectures dirigées.

Lors de notre première réunion, les cinq étudiants et moi avons établi le programme du cours, qui comportait une liste de lectures, un rapport de mi-semestre et un rapport final. Nous nous sommes par la suite rencontrés chaque semaine pour discuter de nos lectures et des prochaines étapes de la recherche, qui comprenaient notamment des entrevues avec des spécialistes du Canada et de l’étranger. L’équipe a trouvé des sources nouvelles et de qualité, et s’est attelée à la tâche avec enthousiasme et dynamisme.

Le rapport de mi-semestre a été rédigé, puis présenté à l’IAPC. Les représentants de l’institut ont transmis leur rétroaction directement à notre équipe, par téléconférence. Les étudiants ont eu un avant-goût immédiat de ce qu’est la fonction publique. Vers la fin, j’ai rassemblé toutes les observations formulées, et fixé l’orientation de la suite de nos travaux. Les étudiants, un peu découragés, se sont ragaillardis lorsqu’ils ont saisi les solutions possibles pour aller de l’avant. Ce soir-là, je les ai conviés chez moi, à ma table, pour leur permettre de réagir et, disons-le, de se défouler. Sans cette réunion informelle, je ne suis pas certaine qu’ils seraient arrivés à passer à travers la deuxième partie des travaux, la plus ardue, qui consistait à rédiger le rapport final. Les fonctionnaires de la nouvelle génération ont besoin d’exprimer leurs sentiments dans le cadre de leur engagement professionnel, parce qu’ils donnent beaucoup d’eux-mêmes.

En fin de compte, toute l’équipe a relevé le défi et produit un document final que l’IAPC a bien accueilli. Le rapport a été publié sur le site Web de l’IAPC, et l’institut leur a proposé deux contrats de suivi.

Avec le recul, les étudiants s’aperçoivent qu’ils ont apprécié l’expérience et ils ont été heureux de la vivre, même l’épreuve pénible du rapport de mi-semestre. Ils ont appris à composer avec les attentes et à relever les défis, et ils ont pris confiance en eux. Ils se sont inspirés et encouragés les uns les autres quand ils traversaient une période difficile ou que leurs recherches étaient dans une impasse. Ils ont appris à recevoir des critiques constructives et à défendre leur travail lorsqu’il le fallait. Et ils ont eu du plaisir!

Préparez-vous : les fonctionnaires de la nouvelle génération voudront être stimulés et respectés, et chériront leur indépendance. C’est à ces conditions qu’ils pourront donner leur plein potentiel, ce dont vos projets ne pourront que bénéficier.

Les étudiants d’aujourd’hui attendent de nous, leurs mentors, que nous les stimulions et que nous leur montrions également de notre dévouement.

Il y a trois ans, l’École d’études sur les politiques n’offrait pas encore de cours sur la mobilisation des citoyens; sept étudiants sont alors venus me voir pour me demander de les superviser dans le cadre d’un cours de lectures dirigées. J’ai accepté, même sans rémunération ni crédit. Ce fut l’une de mes expériences d’enseignement les plus inspirantes. Grâce à leur énergie, à leur créativité et à leur volonté, j’ai appris beaucoup plus sur la mobilisation des citoyens que si j’avais conçu le cours moi-même. Parce qu’ils savaient que j’animais le cours rien que pour eux, ils se sont donnés à fond. Chaque classe a été un vrai plaisir.

La nouvelle génération d’étudiants et de fonctionnaires vous posera certainement des défis, mais ce que vous leur donnez, ils vous le rendront – en double.

Les étudiants veulent aussi qu’on les traite avec respect, dignité et professionnalisme. Au début de chaque cours, je leur demande ce qu’ils attendent du cours, et ce dont ils ne veulent pas. L’un des commentaires qui revient le plus souvent, c’est qu’ils ne veulent pas être rabaissés ni traités avec mépris. Le respect est vital pour eux. Il faut prendre au sérieux chaque question et chaque commentaire, et chercher la perle dans le flot de paroles. Ils ne veulent pas qu’on les encadre à l’excès, ni qu’on fixe des règles de détail. Ils prendront eux-mêmes les décisions qui s’imposent à cet égard. Établissez des attentes claires, et faites-les respecter. Faites preuve de compassion au besoin, mais aussi de fermeté – et non de dureté – lorsque c’est nécessaire. Expliquez vos motifs. Ils voudront savoir pourquoi vous leur demandez de faire telle ou telle chose.

Et par dessus tout, ils attendent de nous honnêteté et authenticité. Au début de chaque cours, j’offre aux étudiants une occasion unique de me poser n’importe quelle question. Ils cherchent l’authenticité dans mes réponses, et reviennent souvent à ce que j’ai dit plus tard.

Ce que les étudiants et les futurs fonctionnaires veulent, c’est de l’honnêteté, de la dignité, du respect et la possibilité de réaliser leurs rêves. Ils veulent que leur travail ait un sens. Respectez-les, et ils dépasseront vos attentes les plus élevées et vous entraîneront avec eux vers les plus hauts sommets.

Kathy L. Brock est professeure à l’École d’études sur les politiques de l’Université Queen’s. En 2008, elle a reçu le prix Pierre de Celles pour l’excellence dans l’enseignement de l’administration publique décerné par l’IAPC. Cet article est adapté de ses observations formulées à l’intention de l’IAPC. (kathy.brock@queensu.ca)