À cause de l’évolution démographique, du changement climatique, des pénuries d’énergie, de la crise économique mondiale et des boums économiques localisés, les gouvernements n’ont jamais été autant sollicités. Sont-ils prêts?

« Si vous me demandez si les crises économiques comme celle que nous traversons seront de plus en plus fréquentes, je vous répondrai que c’est indubitablement le cas. » C’est ce qu’affirme Thomas Homer-Dixon, de l’Université de Waterloo.

Dans son livre intitulé The Upside of Down, Homer-Dixon avait anticipé la crise économique mondiale actuelle. Les pressions exercées par le changement climatique, les pénuries d’énergie, les disparités économiques et les crises nous mènent tout droit vers une ère de « changement non linéaire », indique-t-il. Qui plus est, les citoyens se tournent vers les institutions publiques pour les aider à relever ces défis, et même pour leur dire comment y réagir.

Or, les services publics sont aux prises avec leurs propres pressions internes. La vague de départs à la retraite que l’on anticipait depuis des années commence enfin à se faire sentir.

De nouvelles prévisions tirées d’une étude actuarielle commandée par le cabinet du premier ministre de la Colombie-Britannique confirment que l’effectif de la fonction publique de la C.-B. diminuera d’au moins 30 % d’ici 2015. Si l’on considère que la population provinciale devrait augmenter d’un million de personnes et que, à cause du vieillissement, elle devrait exiger davantage de soins de santé et de services, l’écart entre la demande et la capacité d’y répondre est flagrant.

Cette situation a mené la C.-B. à deux conclusions : d’abord, le marché du travail du secteur public – et peut-être même le marché du travail tout court – est plus concurrentiel que jamais; ensuite, la province devra revoir ses modes de prestation de services afin de compenser la perte d’une si grande partie de ses employés.

Jessica MacDonald, sous-ministre auprès du premier ministre et chef de la fonction publique, précise que « le défi est grand mais la solution est simple. Nous devons nous assurer que la fonction publique de la C.-B. soit concurrentielle et puisse attirer des employés compétents. En même temps, nous devons apporter des changements majeurs à notre façon de travailler afin de devenir une organisation plus novatrice et d’être en mesure de répondre à la demande de services de demain, et ce, malgré la diminution du nombre de fonctionnaires. »

Jim Lahey, sous-secrétaire sortant du cabinet (Renouvellement de la fonction publique) au gouvernement fédéral, voit le récent ralentissement économique comme une occasion de revigorer et de renforcer les efforts de renouvellement. Dans une entrevue au journal Hill Times, Lahey a mentionné : « Je ne dirais pas que nous aimons les crises, mais je pense qu’il est au moins aussi facile d’attirer, de maintenir en poste et de motiver les employés talentueux en temps de crise qu’en temps normal. »

D’autres encore se préoccupent du problème bien différent, mais intéressant, que pose une croissance économique ultrarapide. Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan sont des leaders économiques pour la première fois de leur histoire. Dans ces provinces, les secteurs privé et public s’arrachent les travailleurs. La Saskatchewan a même adopté une loi visant à lier la croissance du secteur public à la croissance démographique pour éviter que le secteur public ne croisse trop vite.

Si l’on ajoute à cela les pressions auxquelles fait allusion Homer-Dixon, force est de conclure que le thème du renouvellement de la fonction publique ne se ramène pas, loin de là, à l’élaboration d’une stratégie efficace de RH. Il s’agit bien plus d’une grande réflexion sur l’avenir des administrations publiques dans un contexte marqué par des défis sérieux et à long terme pour le bien-être du Canada.

Alors, comment les administrations comptent-elles s’attaquer à ces défis?

Les gens
La dotation, le recrutement et le maintien en poste sont les fondements du renouvellement. Dans tout le pays, une population vieillissante de baby-boomers – qui occupe plus de la moitié des postes de haute direction dans bien des administrations publiques – se prépare à la retraite.

Pendant ce temps, une nouvelle génération de fonctionnaires gravit les échelons. Ces employés, certains nouveaux, d’autres plus expérimentés, se préparent à prendre davantage de responsabilités. Il faut en trouver d’autres et les inciter à envisager une carrière dans la fonction publique.

Dans les dix prochaines années, la concurrence devrait être féroce au chapitre du recrutement. Les employés talentueux seront en demande dans tous les secteurs de l’économie. Et pour les attirer, les services publics devront être plus convaincants que le secteur privé ainsi que les autres gouvernements.

La C.-B. sait que le temps est compté. Elle est déterminée à se démarquer des autres administrations quant au recrutement et au maintien en poste. Grâce notamment à sa campagne de recrutement dynamique axée sur les bassins qualifiés et les collectivités du Nord et à ses efforts pour figurer sur la liste des 50 meilleurs employeurs de la province, la fonction publique de la C.-B. est de plus en plus reconnue comme étant un lieu de travail de premier ordre.

Ailleurs au pays, le sentiment d’urgence est palpable. La commissaire de la fonction publique du Manitoba, Deb Woodgate, souligne que dans son administration, la direction s’est beaucoup investie : « L’appui de la direction est essentiel. Au Manitoba, nous sommes chanceux de l’avoir. Les sous-ministres se réunissent toutes les trois semaines pour surveiller la mise en œuvre de notre stratégie de RH. Notre comité assume principalement un rôle de direction en matière de RH. »

Clare Isman, présidente de la Commission de la fonction publique de la Saskatchewan, indique que le resserrement rapide du marché du travail dans la province pousse la fonction publique à agir différemment : « Nous sommes beaucoup plus proactifs qu’auparavant. Nous sollicitons activement les collectivités autochtones et nous avons ouvert un bureau de recrutement à l’Université de Regina. Avant, nous étions beaucoup plus passifs. Nous attendions que les gens viennent à nous. »

En Saskatchewan, il se pose aussi la question de la rémunération. « Nous devons être concurrentiels, poursuit Isman. Cela signifie qu’il faut trouver un équilibre entre satisfaire aux besoins et n’accuser aucun retard sur les autres secteurs. »

La province de Terre-Neuve-et-Labrador a également les yeux rivés sur la concurrence. Elle tient à ce que la fonction publique participe activement à la prospérité de la province. Marilyn Field, SMA des ressources humaines au bureau du conseil exécutif, précise : « Nous voulons une fonction publique hautement performante et nous prenons les mesures qui s’imposent pour y parvenir, notamment la planification de l’effectif, l’établissement de programmes intégrés de gestion du talent et la planification prospective. »

Le talent
Si, dans l’ensemble, les commentateurs du secteur public appuient les mesures prévues, certains soulignent que même en adoptant la meilleure stratégie possible de recrutement et de maintien en poste, il sera impossible de maintenir les niveaux de services publics auxquels en sont venus à s’attendre les Canadiens. Selon eux, les administrations publiques devront plutôt penser différemment et revoir leurs méthodes de travail.

« Ce à quoi nous assistons, je pense, est un changement par rapport au modèle de gouvernement dit descendant », précise Don Lenihan, qui occupe la Chaire de l’engagement public au Forum des politiques publi