Au Canada, le secteur bénévole et à but non lucratif vit une situation particulière. Normalement, un secteur qui réunit 161 000 organismes, se targue d’avoir un PIB de plus de 25 milliards de dollars et bénéficie du soutien de millions de Canadiens et de Canadiennes qui lui consacrent temps et argent, devrait être une force de premier plan. Or, ce secteur est souvent perçu, malheureusement, comme étant fragmenté, sous-financé, instable et sans grande influence sur les décideurs publics. On ne semble pas lui accorder l’attention qu’il mérite.
Les conséquences de cette situation sont nombreuses, notamment la perte d’infrastructures, la diminution des ressources humaines disponibles et une tendance à s’éloigner de la mission de base à cause du besoin constant de chercher du financement – tous problèmes décrits par Katherine Scott dans Le financement, ça compte.
En réaction à cet état de fait, la région de Halton a mobilisé la collectivité en vue de définir des solutions locales, ce qui a abouti à un plan communautaire fondé sur l’apport de centaines d’intervenants du secteur bénévole et à but non lucratif dans le cadre d’une table ronde sur ce secteur.
Le plan souligne la nécessité de constituer un organisme de coordination qui dirigerait les efforts dans plusieurs domaines stratégiques de vaste envergure : améliorer les possibilités de réseautage; restructurer le financement (défense des droits); faciliter l’accès à l’information; mettre en œuvre une stratégie de marketing pour obtenir plus de soutien des organismes communautaires.
On a également déterminé que cet organisme de coordination doit être pertinent et transparent, qu’il doit avoir du pouvoir et de la crédibilité auprès de tous les intervenants et qu’il doit rendre des comptes au secteur.
En réfléchissant aux fonctions que ce nouvel organisme devrait assumer, le parallèle avec le modèle des chambres de commerce s’est imposé – occasions de réseautage, porte-parole du secteur, promotion des conditions de réussite, etc. Ce modèle est encore plus pertinent si l’on songe aux critères auxquels cet organisme devrait répondre :
· Pertinence : Le succès du modèle des chambres de commerce se mesure à son utilité pour les intervenants; autrement, ces derniers ne renouvelleraient pas leur adhésion.
· Transparence et reddition de comptes : Les chambres de commerce sont elles-mêmes des organismes à but non lucratif, menées par leurs membres, régies par un conseil d’administration et assujetties aux mêmes règles que tous les autres organismes à but non lucratif (p. ex., obligation d’organiser une assemble générale annuelle et de produire des états financiers).
· Pouvoir et crédibilité : Partout au Canada, les chambres de commerce sont fondées sur le principe selon lequel l’union fait la force.
Mais surtout, la représentation collective assurée par le modèle des chambres de commerce permettrait au secteur de tirer parti de son statut de troisième pilier de la société et de revendiquer un rôle dans le discours social qui soit proportionnel à sa taille, à son importance économique et à son action primordiale dans nos collectivités. Imaginez un instant une déferlante de chambres communautaires qui s’uniraient à l’échelle provinciale et nationale.
Il est vrai que cette approche n’est pas sans défauts. Les entreprises ont ceci de fondamentalement différent qu’elles produisent un revenu disponible – ce qui leur donne une capacité permanente de s’exprimer. De plus, une telle approche, si elle offre indéniablement des avantages, est également coûteuse, alors que le secteur est déjà sous-financé. Si les listes d’attente pour obtenir des services sont déjà une pénible réalité, comment un nombre suffisant d’organismes pourraient-ils être en mesure de rallier leur conseil d’administration à cette idée de façon qu’un petit investissement de départ produise de grands effets? De toute évidence, sans masse critique, l’effort serait vain. Et quel palier de gouvernement serait prêt à donner le coup de pouce nécessaire pour mettre le projet sur les rails si la raison d’être de l’organisme envisagé était, entre autres choses, de rendre la vie un peu plus facile aux bailleurs de fonds publics? À partir de quand commencerait-on à constater réellement les avantages à long terme?
Une chambre de commerce communautaire devrait également maintenir un délicat équilibre entre son rôle de porte-parole de ses membres et la nécessité de ne pas s’aliéner ses bailleurs de fonds – une réalité qui a considérablement limité la capacité de revendication des organismes à but non lucratif.
De plus amples discussions seront nécessaires pour déterminer si le modèle de chambre de commerce convient aux organismes à but non lucratif de nos collectivités. Ce qui est certain, c’est que pour que le secteur puisse se développer, il lui faudra apporter des changements et trouver une meilleure façon de faire entendre sa voix. Bien qu’il soit trop tôt pour dire si cette idée a de l’avenir, elle mérite quand même d’être creusée.
SIDEBAR
Le modèle de chambre de commerce
Les chambres de commerce sont des associations bénévoles apolitiques œuvrant à l’échelon local et dirigées par leurs membres, dont l’objectif est de défendre les intérêts des entreprises, quelles que soient leur envergure et leur emplacement. La mission de la Chambre de commerce du Canada est la suivante : « […] favoriser un environnement économique solide, concurrentiel qui profite au Canada et à tous les Canadiens. » La Chambre s’acquitte de son mandat ambitieux comme suit : « Par l’entremise d’un processus de consultation réciproque avec ses membres, la Chambre oriente le débat sur les politiques fédérales et internationales qui affectent les entreprises. »
À l’échelle locale, les chambres de commerce fournissent à leurs membres des renseignements précieux sur le régime fiscal et la réglementation, des occasions de réseautage et l’accès aux politiciens, aux organismes de réglementation et aux chefs d’entreprise locaux. Elles effectuent des recherches, fournissent des ressources à des centaines de comités et offrent des possibilités de perfectionnement professionnel afin de renforcer le secteur et d’accroître sa base de connaissances et sa pertinence.
Étant donné ce rôle bien défini,