Stephen M.R. Covey a vendu 600 000 exemplaires de The Speed of Trust: The One Thing That Changes Everything, un livre qui a reçu l’aval d’une brochette d’éminents PDG et de sommités en matière de gestion. Covey, premier dirigeant de CoveyLink et ancien PDG de Covey Leadership Centre et de FranklinCovey, s’est entretenu avec notre rédacteur en chef, Paul Crookall, au sujet de la confiance dans la fonction publique.
La confiance fait souvent défaut dans notre travail : entre les politiciens et les citoyens, les gestionnaires et leur personnel, les ministres et leur ministère, entre les différents organismes… Comment vos recherches sur la confiance s’appliquent-t-elles à cette dynamique?
La fonction publique est tissée de relations, et la santé de celles-ci dépend de la confiance qui règne. Même si les contextes sont différents dans le secteur public et le secteur privé ou d’un pays à l’autre, les principes restent les mêmes, et cela est encore plus vrai dans le secteur public, car celui-ci a un devoir envers la société. Comme le disait le premier ministre Disraeli : « Tout pouvoir est un don de confiance – nous sommes redevables de son exercice – tout doit jaillir et exister pour le peuple. »
Quels conseils donneriez-vous à un gestionnaire qui arrive dans un milieu où le niveau de confiance est bas?
Dans la plupart des cas, il est possible d’instaurer la confiance plus rapidement que vous ne le pensez, pour peu que vous lui accordiez une attention consciente. Lorsque vous arrivez dans une situation où la confiance fait défaut, ne feignez pas d’ignorer le problème, ou pire, ne niez pas son existence. Si le problème relève de vous, assumez-le. Si vous en avez hérité, reconnaissez son existence et affirmez votre intention d’instaurer la confiance : faites-en un objectif clair. Cette déclaration publique permettra aux gens de reconnaître plus facilement les mesures qui seront prises en ce sens et accélérera le processus. En revanche, si vous ne faites rien pour donner suite à votre engagement, vous amplifierez le problème. On se juge soi-même selon ses intentions et les autres, en fonction de leur comportement. C’est pour cette raison que l’une des façons les plus rapides de ramener la confiance est de prendre des engagements et de s’y tenir. Ce n’est pas facile, mais c’est relativement simple. Donnez-vous un but, utilisez un processus réfléchi et donnez suite en agissant et en produisant des résultats.
Aux États-Unis, lorsqu’il y a un changement d’administration, les hauts fonctionnaires politiques sont remplacés. Au Canada, la fonction publique professionnelle et non partisane s’étend jusqu’au sous-ministre. Un des effets pervers de cette situation est que les ministres et le personnel du nouveau gouvernement risquent de ne pas faire confiance à la « bureaucratie » instaurée par le gouvernement précédent, et que cette « bureaucratie » peut ne pas se fier au programme du nouveau gouvernement. Comment bâtir la confiance dans ce contexte?
La peur vient de la différence appréhendée des programmes d’action et des motivations de l’autre – de l’« intention » qu’on lui prête. Selon moi, vous devriez aborder cette situation en fonction des objectifs et du travail à accomplir, en mettant l’accent sur l’obtention de résultats d’une façon qui permettra de renforcer la confiance. La responsabilité des politiciens ne se limite pas à gouverner. Ils doivent aussi chercher à instaurer la confiance, laquelle accroît leur capacité de gouverner et de servir.
Comme ministre ou sous-ministre, je serais franc et je dirais qu’il importe d’instaurer la confiance dans nos relations si nos voulons apprécier davantage notre travail et améliorer le rendement. Je m’engagerais à prendre des mesures propres à bâtir la confiance, en appliquant les 13 comportements. Je prendrais l’initiative en me comportant d’une façon qui inspire la confiance et en faisant confiance à l’autre. De toute évidence, il y a un certain risque à procéder de la sorte, de même qu’une certaine réticence, surtout chez le politicien. Mais le potentiel de cette démarche est formidable.
Les dirigeants doivent réaliser que la confiance et la méfiance ont souvent une dynamique de réciprocité. Si le politicien se méfie du cadre de la fonction publique, le cadre se méfiera du politicien, et vice-versa. Il existe une crainte de se faire flouer. Je ne prêche pas pour une confiance aveugle, mais nous ne pouvons tout de même pas laisser ceux, peu nombreux, qui abusent de la confiance donner le ton. Laissons plutôt cela à la majorité que cette confiance inspirera. En tant que dirigeant, dites : « Je vais donner l’exemple; c’est moi qui ferai le premier pas. »
La gestion de la performance est une question importante. Un des comportements que vous recommandez est de veiller à ce que les autres soient redevables… Les employés performants veulent que les autres soient tenus responsables de leurs résultats. Ils réussissent très bien quand ils sont assurés que les tire-au-flanc et les médiocres ne s’en tireront pas comme ça. Récemment, un comité présidé par deux éminents Canadiens, Paul Tellier et Don Mazankowski, a conseillé au premier ministre de faire en sorte que la fonction publique mette l’accent sur la gestion de la performance. Dans certains organismes de la fonction publique, les gestionnaires hésitent à s’attaquer aux employés peu performants, et le personnel craint d’attirer l’attention sur certains collègues improductifs ou irrespectueux des lois et règlements. Comment peut-on instaurer une culture organisationnelle plus saine où l’on ne craindrait pas de dénoncer les manquements et d’aborder les situations inacceptables que tout le monde connaît, mais dont personne n’ose parler?
Cette transformation ne se fait pas du jour au lendemain. Vous devez en arriver au point où c’est la culture elle-même qui veille à l’application des lois et règlements. Les règlements donnent un certain contrôle, mais moyennant un coût plus élevé que si l’on instaure un climat de confiance. L’édification de la confiance demande du temps et des efforts : il faut arriver à une masse critique d’employés qui apprécient qu’on ait confiance en eux et qui, parce qu’ils veulent garder cette confiance, sont plus enclins à rapporter les abus des collègues.
Avec son labyrinthe de règles, la fonction publique se trouve à l’une des extrémités du spectre.
Et à l’autre extrémité, on retrouve une entreprise comme Nordstrom, qui, dans son guide de l’employé, se contente de donner la consigne suivante : « Faites preuve de jugement en toutes situations. » Voilà une règle qui vaut son pesant d’or. L’entreprise n’a évidemment pas d