Bien que la majorité des Nord-Américains ne se déplacent pas tellement en train (leurs déplacements se limitant souvent aux allers-retours entre le bureau et un domicile en banlieue), ce moyen de transport est profondément inscrit dans notre conscience collective. Nos cours d’histoire nous ont appris que ce sont les chemins de fer qui ont contribué à la formation d’alliances politiques et de liens commerciaux, avant de permettre à des centaines de milliers de pionniers de gagner l’Ouest. Les références culturelles sont nombreuses, que l’on songe au chemin de fer clandestin qui a permis aux esclaves assoiffés de liberté de fuir vers le nord ou aux chansons de notre jeunesse, notamment l’emblématique City of New Orleans d’Arlo Guthrie et le succès monstre de l’époque disco, Love Train des O’Jays.
Les compagnies ferroviaires canadiennes ont suivi les tendances mondiales pour devenir des moteurs du commerce continental qui continuent – en dépit de sombres prédictions – de jouer un rôle important dans le transport des marchandises sur tout le continent, souvent dans le cadre de partenariats avec leurs homologues américaines. Du côté du transport des passagers, Via Rail continue de convaincre de plus en plus de Canadiens de tous les âges d’admirer le Canada vu du sol, laissant le pays dévoiler sa beauté sous le regard émerveillé de ceux qui ont l’habitude de voyager à 10 000 mètres d’altitude.
Alors que le Canada voit son voisin du sud éprouver des problèmes économiques et sociaux parmi les plus graves des 30 dernières années, le train pourrait jouer un nouveau rôle, celui de rapprocher les pays comme ils ne l’ont pas fait depuis longtemps. Une sorte de diplomate et envoyé commercial itinérant, un Henry Kissinger du rail. Nous pourrions baptiser cette initiative le « Train de l’amitié ». À l’instar du train de la Confédération qui a traversé le Canada durant l’année du centenaire, en 1967, le Train de l’amitié passerait dans toutes les grandes villes américaines (celles du nord en été, celles du sud en hiver) sur une période de deux ans afin de promouvoir le Canada auprès de nos amis et voisins comme nous ne l’avons jamais fait (ni même essayé de le faire) auparavant.
Les Canadiens ne sont que trop conscients de l’ignorance apparemment sans bornes des Américains à l’égard de notre nation, ce qui explique sans doute en partie la jubilation de certains citoyens devant tous les problèmes qui ont assailli les États-Unis ces cinq dernières années. Mais tous les Canadiens savent aussi depuis le primaire que notre économie est inextricablement liée à celle de nos voisins du sud, à un point tel que la performance future de l’économie américaine façonnera en grande partie la nôtre. Même si certains se plaisent à répéter que nos indicateurs économiques sont tellement meilleurs que ceux des États-Unis que nous sommes devenus un refuge, ils négligent l’importance du marché américain à tous égards, qu’il s’agisse d’hydrocarbures ou de tourisme.
Le Canada n’a peut être pas souffert directement de l’effondrement du marché des prêts hypothécaires à risque, mais ce facteur a eu – comme d’autres éléments – un impact énorme sur le pouvoir de consommation des Américains, ce qui se répercute sur nos échanges commerciaux avec cet immense marché. En résumé, les États-Unis sont peut-être en plein marasme, voire en déclin durable, mais ce serait à ses risques et périls que le Canada ferait fi de ce marché. C’est le moment de tirer parti du ralentissement économique, de profiter des nombreux avantages de notre proximité et de notre amitié, de renforcer des liens économiques et culturels étroits qui, dans bien des cas, remontent à plus d’un siècle. En un mot, c’est le moment de faire valoir les atouts du Canada – un havre de paix situé tout près – auprès des nombreuses composantes du marché américain.
L’idée de base du Train de l’amitié serait de promouvoir l’image du Canada dans littéralement des milliers de marchés, qui pensent rarement au Canada, sauf lorsqu’il est question aux nouvelles d’avertissements météorologiques pendant l’hiver. Le train comprendrait au moins douze wagons : un pour chaque province, un pour les territoires et un pour l’entité nationale.
Pour comprendre son fonctionnement, imaginez que vous habitiez à Louisville (Kentucky) et que cette exposition mobile provenant du Canada pique suffisamment votre curiosité (grâce à une dynamique campagne de relations publiques) pour que vous emmeniez votre famille visiter le Train de l’amitié. Dans le wagon de Terre-Neuve, vous constatez que vous pourriez vous rendre en voiture à cette magnifique destination et y prendre vos vacances pour beaucoup moins cher que dans les Caraïbes. Quant aux investisseurs qui visitent le wagon de l’Alberta, ils sont suffisamment enthousiastes à propos de Fort McMurray pour y planifier un voyage, et un agent qui travaille dans le wagon leur donne des conseils à cet égard. Enfin, un cinéaste indépendant se renseigne sur les coûts des studios dans le wagon de l’Ontario et conclut que Toronto serait une destination plus économique et plus agréable pour le tournage de son prochain film que la Caroline du Nord, où il a l’habitude de louer des studios
En bref, dans chaque wagon se trouvent des agents qui offrent des conseils en matière de tourisme et d’investissement et, ce qui est tout aussi important, montrent les nombreux liens qui unissent la province ou le territoire en question à la région américaine où le Train de l’amitié est en visite.
Ce projet serait-il coûteux? Oui, surtout si l’on en fait une promotion adéquate pour assurer sa réussite. Une bonne chanson-thème interprétée par Céline Dion et diffusée sur les grands r