Il y a cinq ans à peine, deux administrations municipales néo‑zélandaises, Christchurch (338 000 habitants) et Hutt City (95 000 habitants), avaient recours à des pratiques que bien peu d’entreprises privées envisageraient. Des impôts élevés et des services d’une médiocrité notoire faisaient naître chez leurs « clients » des menaces de révolte fiscale synonymes d’interruption des activités; le moral des employés municipaux ne valait guère mieux. De nos jours, Hutt City remporte des prix d’excellence au nez et à la barbe d’organismes du secteur privé, tandis que Christchurch atteint un degré d’efficience tel que d’autres municipalités lui demandent conseil.
Étant donné les énormes responsabilités économiques et sociales des municipalités au Canada, il serait dans notre intérêt à tous de savoir comment s’est opéré ce redressement en Nouvelle‑Zélande.
On peut recenser six habitudes très efficaces grâce auxquelles, de cancres qu’elles étaient, ces villes sont devenues des premières de classe.
D’abord, le changement exige une volonté de changement, et il faut au départ qu’un leadership ferme soit exercé par le maire, les conseillers municipaux et la haute direction. Au plus fort de la crise à Hutt et à Christchurch, les édiles ont décidé de se fixer des objectifs d’amélioration audacieux, ne serait‑ce que parce qu’ils avaient le dos au mur. Bref, la première condition est que les responsables visent haut.
L’équipe de direction ne peut toutefois assurer à elle seule le changement. Les deux municipalités se sont mises en quête de cadres supérieurs pouvant les aider dans leur nouvelle mission, avec le pragmatisme et la conformité aux besoins pour seuls critères d’embauche. Pour accroître leurs chances de trouver les compétences requises dans chaque domaine, elles ont accepté des candidatures venant de l’étranger, entre autres d’Australie et d’Afrique du Sud. Il reste que les gens compétents ne font pas automatiquement du bon travail. Nous savons tous que ce qui n’est pas mesuré n’est pas géré; aussi la direction était‑elle résolue à fixer des objectifs ambitieux et à les assortir d’outils de mesure.
La promotion du travail d’équipe n’a pas non plus été prise à la légère. Dans le cadre d’un système global, chacune des ressources de la ville a été associée à un élément de la hiérarchie des objectifs visés par les services municipaux dans l’intérêt des résidents. Par exemple, l’objectif d’évaluation de la qualité de l’eau s’inscrit dans un objectif de traitement de l’eau, ce dernier relevant d’un objectif d’eau pure, qui fait quant à lui partie d’un objectif de premier plan, soit un environnement sain. La ville de Christchurch a recours à un système d’information basé sur le principe des « feux de signalisation » pour mesurer l’atteinte des objectifs. Par exemple, si l’évaluation de la qualité de l’eau déclenche un feu rouge, il incombe aux responsables du traitement de l’eau de faire repasser le feu au vert. S’ils n’y parviennent pas, c’est leur propre feu de signalisation qui devient rouge, et ainsi de suite jusqu’à l’intervention de la personne qui a les moyens de résoudre le problème.
À Christchurch, ce système d’information repose sur un logiciel sur mesure. Tous les employés saisissent leurs résultats dans ce système central, de sorte que toutes les activités puissent être surveillées à partir d’un guichet unique pour l’ensemble des services municipaux. Il est banal de parler d’investissements judicieux en TI, mais il s’agit néanmoins d’un point crucial.
À cette liste – la volonté, les gens, une structure intégrée d’objectifs et des investissements judicieux en TI – il faut ajouter les incitatifs. La rémunération au rendement a un effet stimulant sur les employés. À Hutt ainsi qu’à Christchurch, un bon rendement par rapport aux objectifs établis peut donner droit à une prime égale à 30 % de la rémunération de base. Une structure d’objectifs permet de mesurer et de récompenser le rendement de chacun. Cette combinaison de mesures systématiques et d’incitatifs tangibles favorise la productivité à chaque échelon de l’organisme.
La sixième et dernière habitude consiste à rendre compte aux citoyens de façon si ouverte et transparente qu’en comparaison, la plupart des municipalités canadiennes (à l’exception peut‑être de quelques administrations de la Colombie‑Britannique) se sentiraient probablement honteuses. Les rapports annuels présentent les objectifs et indiquent dans quelle mesure ils ont été atteints, au moyen de données concrètes concernant les réalisations ou les échecs. Ne se contentant pas d’une culture organisationnelle qui valorise la divulgation volontaire, Hutt City a fait appel à des spécialistes externes de la qualité de la gestion venant du secteur privé (selon les modèles ISO et Baldridge). Une fois qu’une culture de transparence est instaurée, toutes les parties s’attendent à ce qu’on leur présente sans fard aussi bien les échecs que les réussites.
Nous sommes bien loin de la culture prévalant dans la plupart des municipalités canadiennes. Une étude du Frontier Centre au sujet de leurs rapports annuels montre qu’à peine quelques‑unes de nos plus grandes villes (principalement en Colombie‑Britannique) préparent des rapports sur leurs objectifs et l